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Qatar 2022 : le prochain Mondial

 

Connaissez-vous des événements qui peuvent susciter autant de ferveur collective dans les nations en paix que ceux liés au football ? Une élection présidentielle ? non dans la mesure où 51 % de la population passe ensuite son temps à emm… les 49% restants. Le football possède la vertu de niveler les oppositions. Dans toute cette foule admirative de la victoire, il n’y a plus d’origine, de classe sociale, d’âge, chacun trouve dans son équipe nationale un moyen unique et rare d’exprimer un bonheur intense partagé avec d’autres, connus et inconnus, Durkheim dit ;

  • « Attester à soi-même et attester à autrui, qu’on fait partie d’un même groupe ».

Aujourd’hui les femmes ont intégré ces moments de ferveur. L’évolution de la société (droit de vote donné aux femmes, mouvements féministes etc.) a fait tomber un ostracisme qui les avait écartées pendant des siècles des grands évènements. L’intérêt des femmes pour le sport a donc pris la même dimension que celui des hommes.

Le football et lui seul possède cette portée planétaire, pourquoi ?

D’abord c’est un jeu simple (un terrain matérialisé par des lignes, un ballon, deux cages pour les buts) et même ne connaissant pas tous les rouages des stratégies complexes du ressort des entraineurs, chacun est capable d’appréhender les prouesses individuelles ou collectives des hommes sur le terrain.

On a tous pratiqué le football dans une cour d’école, un terrain vague, avec comme ballon une boîte de conserve ou une pelote de chiffons.

Un point aussi essentiel est que le football accueille toutes les morphologies (Ngolo Kanté, 1m 68, Xherdan Shaqiri, 1m69 ; Zlatan Ibrahimovic, 1m95 ; Romelu Lukaku 1m92) a contrario, le basket est sélectif.

Ici chacun trouve sa place. Le spectateur peut s’identifier préférentiellement à tel ou tel joueur en fonction des qualités que celui-ci met en œuvre. Le football est un sport collectif pouvant symboliser, mieux que le champion individuel, une commune appartenance (locale, régionale, nationale).

Quoi qu’en pensent les détracteurs, le match de football incarne les « valeurs » cardinales du monde contemporain où se conjuguent sur le chemin de la réussite, le mérite individuel des vedettes, le travail d’équipe, la solidarité, la planification collective mais aussi le rôle pour parvenir au succès, de la chance, de la tricherie, de la justice (celle de l’arbitre plus ou moins discutable), mais tout ceci sur un mode ludique et caricatural.

Un mélodrame.

Sous des aspects frivoles, anecdotiques, voire agaçants, le football est un drame philosophique, une pièce qui va se jouer mais pour cela il faut y adhérer, valider ce contrat de complicité nécessaire pour donner du crédit au match de football comme on donne du crédit à d’autres spectacles auxquels on va assister. Le match, comme tout spectacle sportif, a une spécificité par rapport aux autres genres dramatiques ; les jeux ne sont pas ici déjà faits avant la représentation – c’est là une de leurs propriétés dramatiques et un de leurs ressorts émotionnels singuliers. L’inattendu permet d’éprouver, au superlatif, toute la gamme des émotions que l’on peut ressentir dans le temps long et distendu d’une vie : l’angoisse, la tristesse, la colère, la surprise, la joie… On retrouve ici « la bonne dimension » qui, selon Aristote dans sa Poétique, modèle la tragédie, c’est-à-dire « le renversement du malheur au bonheur ou du malheur au bonheur par une série d’événements enchevêtrés ».

Si le football réunit un ensemble de qualités susceptibles d’exalter les sentiments d’appartenance et de susciter la liesse collective, il n’a hélas pas d’effets sociaux ou politiques durables. On se rappelle la ‘’pseudo’’ union nationale sur la France « black, blanc, beur » qu’avait suscité la victoire de l’équipe de France en 1998. Or cette victoire n’a rien changé, sinon l’espace d’un été, aux problèmes de la société française et aux fractures qui la traversent. Voir dans les victoires qu’apportent le football, des effets sociaux durables et bénéfiques est malheureusement une chimère autrement il y a bien longtemps que les fractures sociétales ne seraient plus que lointains souvenirs. La liesse populaire efface pour un instant toutes les divergences mais au lendemain de ces accolades avec des inconnus, les problèmes demeurent et les supporters, qui ne sont pas les « idiots culturels » que campe une sociologie grossière, sont conscients que la joie de la victoire est éphémère.

DS

Cela dit, bravo à la Suisse et bravo à la France pour les spectacles de grande qualité que nos deux pays ont su nous offrir.

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