« Avérer vrai », « actuellement en cours », « mal fagoté » … La langue française est truffée de tautologies et redondances inutiles. Le Figaro vous propose de leur faire la chasse.
Ils sont comme les chewing-gums. Goûteux au premier abord, mais très vite collants et filandreux. Les pléonasmes ont la particularité de s’accoler au moindre de nos mots. Pour des questions de style et de rythme, le plus souvent. C’est ainsi que l’on peut entendre les expressions : « descendre en bas », « ajouter en plus », « deux alternatives » …
Certaines locutions pléonastiques, il est vrai, sont entrées dans le langage courant. Chacun peut lire et dire «tri sélectif», «incessamment sous peu», «bref résumé». Cela étant, si l’on se veut précis, on fera des pirouettes afin d’éviter d’avoir les deux pieds dans le même sabot… Le Figaro vous propose grâce aux éclairants conseils de Jean-Loup Chiflet dans son livre Petit traité singulier des pléonasmes insoupçonnés de faire la chasse à ces formules aussi inutiles que bien futiles.
● Principale priorité
Faire la vaisselle, laver le linge, épousseter les meubles, donner de l’eau à la plante… La liste est longue avant que n’arrivent les invités. Comment se faire bien entendre sur l’ordre de vos priorités ? Pas simple. D’autant que la formule « principale priorité » constitue un pléonasme. Le mot est en effet issu du latin prior, qui signifie « le plus avant, le premier des deux ». Alors que dire ? Jean-Loup Chiflet propose quelques exemples : priorité absolue, priorité majeure et… priorités des priorités. Histoire de « prioritiser » vos priorités !
● Averse de pluie
L’auteur Jean-Loup Chiflet classe cette formulation dans son chapitre intitulé «Les pléonasmes un peu excusables». C’est vrai. On ne lui enlèvera pas le fait qu’on peut dire ou entendre «averse de grêle». Cela étant, si l’on veut être rigoureux, on se rappellera que le mot «averse» provient de la locution «pleuvoir à la verse, puis pleuvoir à verse». Ainsi, à l’origine l’averse ne caractérise-t-elle qu’un temps pluvieux.
● Avérer vrai
« Tu vois, j’avais raison. Ce que tu as dit s’est avéré faux.» La phrase est banale. L’erreur, aussi. Le verbe «avérer» est emprunté au latin médiéval «a(d)verare», lui-même dérivé du latin verus, «vrai», note Le Trésor de la langue française. Il s’emploie dans trois sens: «savoir, comprendre quelque chose avec exactitude», «faire reconnaître la vérité d’une chose par des paroles» et «se montrer dans sa réalité, après vérification».
Le thésaurus note la remarque suivante: «Étant donné que le verbe avérer comprend le radical «vrai», la plupart des grammairiens déclarent incorrect l’emploi d’expression comme s’avérer vrai, faux, exact, inexact». Employer la formulation «s’avérer faux» revient à faire un contresens, tandis que la locution «s’avérer vrai» constitue un pléonasme. L’usage évoluant, on pourra toutefois défendre ce dernier emploi. Reste que si l’on souhaite éviter toute remarque, on se gardera de coller ces deux mots ensemble par effet de style ou de rythme. On dira: «Tu vois, ce que tu as dit ne s’est pas avéré.»
● Actuellement en cours
Souvent, il nous est reproché de ne pas vivre l’instant présent. C’est ce que Pascal notait dans ses Pensées : «Le présent n’est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens, le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre.» Néanmoins, la formule «actuellement en cours» semble faire une entorse à l’adage. Car il n’y a pas de présent plus présent que dans cette locution.
Actuellement signifie «en ce moment, maintenant» tandis que «en cours» caractérise «ce qui est en train de se réaliser, de se dérouler». Avouons-le toutefois, cette formulation est de l’ordre du pléonasme. Il n’est pas besoin de faire suivre l’adverbe par «en cours» pour comprendre que l’on peut agir dans le moment, sur l’instant.
● Allumer la lumière
Elle est du même acabit que «sortir dehors», «monter en haut», «ajouter en plus». Ce, bien qu’elle soit passée dans le langage courant. La formule «allumer la lumière» est en effet un pléonasme. Comme le rappelle Jean-Loup Chiflet «le verbe allumer signifie rendre lumineux en faisant fonctionner une source de lumière». Accoler le verbe au terme «lumière» est donc inepte. Pour être correct, il suffira de préciser sa pensée. Exemple: «Allume la lampe», «j’allume les bougies», etc.
● Mal fagoté
«Tu as vu comme il est habillé aujourd’hui. Je ne l’ai jamais vu aussi mal fagoté.» La formule est entendue. Cela étant, sa construction demeure inexacte. Car, ainsi que le note Le Trésor de la langue française, «fagoter» signifie «s’habiller mal», «habiller avec mauvais goût». Aussi, accoler l’adjectif «mal» au verbe «fagoter» fait de l’expression un pléonasme. L’intonation seule suffira pour exprimer l’idée de la phrase. On dira simplement: «Je ne l’ai jamais vu fagoté comme ça.» Une précision vaut mieux qu’une répétition.
Par Le figaro.fr Mis à jour le 28/07/2019 à 11:07 Publié le 28/07/2019 à 07:00