Le temps automnal est parfait pour les promenades dominicales. Pépé, mémé bien souvent récupèrent les petits enfants pour les emmener ramasser des châtaignes ou encore faire des bouquets de feuilles mortes dans les forêts. Mais aujourd’hui la peur détourne les promeneurs de ces lieux formidables. La peur de prendre une balle perdue destinée préalablement à un cervidé ou encore à un sanglier. Les fusils utilisés pour le gros gibier sont de véritables armes de guerre qui peuvent tuer une personne distante de plus d’un kilomètre du tireur.
Cette année on recense une vingtaine d’accidents, dont deux mortels. C’est trop et inacceptable. Aucun argument ne peut justifier ces accidents et il est même indécent d’avancer que globalement, depuis vingt ans, la tendance est à la baisse : 39 morts accidentelles en 2000, contre 7 en 2021. L’Office français de la biodiversité relève : “Les efforts de l’État et des fédérations de chasseurs ont permis une constante diminution de l’accidentologie grâce à l’évolution du permis de chasser, des formations, des actions de sensibilisation et de la réglementation. Ils doivent être poursuivis”, notamment concernant le respect des règles de sécurité.
Depuis les années soixante les chasseurs sont la cible de critiques. Elles visaient alors la cruauté des pratiques et la question des espèces menacées. Un chasseur était synonyme de ‘’viandard’’. Leurs pratiques ont évolué et ils font maintenant la preuve d’une grande efficacité dans la gestion de la biodiversité des espèces ainsi que dans celle des biotopes les abritant. Mais actuellement dans le collimateur du mouvement anti-chasse, les chasseurs sont attaqués sur l’accidentalité de leur pratique et ce, alors même que les accidents n’ont jamais été aussi rares. Ce phénomène d’inadéquation entre une réalité et sa représentation évoque “le paradoxe de Tocqueville”, décrit dans : De la démocratie en Amérique (1835-40) : “Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. Le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande.”
Ce paradoxe s’applique en général lorsqu’une population dominée (femmes, travailleurs précaires, immigrés, etc.) cherche à se “hisser” à la hauteur d’un standard d’égalité encore inaccessible. Mais dans le cas de la chasse, pratiquée massivement par des agriculteurs et des ouvriers, c’est-à-dire par une classe plutôt socio-économiquement défavorisée, la logique est inverse. Il y a une réprobation d’une classe dominante à la fois culturellement et matériellement qui stigmatise un loisir pratiqué par les classes populaires.
Si pour une grande partie des populations, l’émotion que suscite un accident de chasse se traduit par de l’indignation, de la colère, cette émotion apaisée, l’acharnement et le mépris social envers une population jugée brutale, arriérée et inculte, apparaissent. Il est bon de garder en mémoire qu’il est bien plus risqué de prendre son véhicule pour rallier une forêt que de s’y promener à pied malgré les chasseurs.
Les chasseurs vont être soumis à une règlementation encore plus stricte, mais le risque zéro n’existera jamais. Alors on oublie les promenades en forêts le dimanche ?
La chasse est une pratique ancestrale qui à terme disparaitra. La société adopte aujourd’hui des choix binaires et la chasse en fera les frais. Tu chasses ? tu es un assassin tout comme ceux qui consomment de la viande. Tu fumes ? tu es un salaud qu’on va ostraciser, parce qu’il coûte à la société.
Il est temps de revoir tous les grands concepts philosophiques.
DS