S’il est quelque chose que nous refusons tous, c’est la vieillesse. Je l’ai personnellement repoussée pendant longtemps en associant certains aspects de ma physionomie à des artefacts affectant les individus au hasard. Pourtant certains signes sont révélateurs et irréfutables. On a beau les nier, la vieillesse est là. Elle a pris possession de notre corps comme le diable l’a fait avec Garrigou dans les ‘’trois messes basses’’ de Daudet. A s’accrocher à la jeunesse on s’use les ongles et on finit par lâcher prise quand le coiffeur nous coupe les poils dans les oreilles alors qu’on ne lui a rien demandé. Ces poils hirsutes qu’on avait remarqué chez les grands pères et qui nous faisaient sourire. Quand mon tour arriva, ce fut comme un électrochoc : j’allai me regarder dans la glace et constatai tout ce que le vieillissement mettait alors en exergue. Non seulement les extrémités se rallongent après 40 ans, le nez, les oreilles, les mains, les pieds, mais les hommes développent souvent une pilosité importune dans les narines, les oreilles, sur le torse. Le miroir devient alors cet intrus qui nous montre quotidiennement ce qu’on ne veut pas voir. L’âge nous revêt d’une trompeuse ressemblance avec nous-mêmes, il s’est emparé de nous par surprise. Les femmes sont plus inquiètes encore au miroir. Les premières ridules des trentenaires sont les alertes qui font de la glace leur fontaine de jouvence.
Et puis il y a aussi la déférence du vouvoiement. En communauté on est affublé de ‘’Monsieur’’ de ‘’Vous’’ alors que pour les personnes plus jeunes, le tutoiement est naturel. Le ‘’vous’’ est perçu qu’on le veuille ou non comme une petite ostracisation dans la relation. Se faire tutoyer par des jeunes est une bouffée d’oxygène dans notre vieillesse
Ne plus être dans l’empressement d’atteindre certains objectifs et avoir des rêves de la plus grande modestie, sont aussi des signes qui ne trompent pas.
Je n’évoque pas ici les performances physiques parce qu’elles sont trompeuses quand on sait qu’à trente ans un joueur de foot est vieux et qu’à vingt ans les gymnastes féminines sont déjà retraitées.
Bien avoir conscience de notre vieillesse et l’accepter est une philosophie qui nous fait davantage savourer les moments de bonheur que nous rencontrons encore.
DS