Vous souvenez-vous ? vous souvenez-vous, vous les anciens ? les vrais, les vieux, ceux blanchis sous le harnais, ceux des années cinquante et avant. Vous souvenez-vous de cette attente de l’année 2000, du XXIème siècle. 2000 serait le début d’une vie de découvertes, de changements, d’une vie futuriste, pleine de choses qui n’existaient encore pas. Qui avait-il derrière l’an 2000 ?
Mais que l’horizon était lointain. Nous étions comme les vigies d’une caravelle encalminée qui scrutent anxieux la mer d’huile. Notre ile aux trésors n’allait jamais se dessiner dans le lointain. On attendait Eole. Les jours interminables refusaient de nous rapprocher de cette date butoir, à partir de laquelle nos déplacements se feraient dans la troisième dimension grâce à des petits aéronefs individuels. Nous n’allions plus consommer que des pilules de vitamines, de protéines. La créativité de nos esprits allait bon train. Que n’avons-nous pas inventé alors. Pourquoi tant d’empressement nous qui vivions les Trente Glorieuses ? Fourastié nous expliquait tout, nous disait que nous nagions dans le bonheur. C’était une époque où nous usions, abusions, et certainement mésusions des choses sans le savoir. Savions-nous que nous étions heureux nous, pour beaucoup venus du babyboom ? Nos parents le savaient certainement, la guerre habitait encore leur esprit, mais nous ? j’en doute. Comme pour tous, il nous fallait l’aventure, la découverte, le monde nouveau et l’an 2000 allait fournir la réponse à nos interrogations.
Et puis bien évidemment un beau jour, 2000 est arrivé. Elle a commencé à nous gratifier d’une tempête du siècle ‘’Lothar et Martin’’. Beaucoup de toits s’en sont allés planer vers d’autres horizons. Ça a été une première surprise. Mais elle n’était qu’une didascalie d’une pièce de théâtre qui allait se jouer régulièrement dans nos années futures.
Et puis. Et puis nous sommes aujourd’hui en 2025. Ce quart de siècle que nous avons déjà consommé nous fait toucher du doigt qu’une vie est bien vite brûlée. La caravelle du temps ne s’est pas arrêtée à l’escale de l’an 2000. Elle est allée à l’aire parfois, mais souvent a filé bon train, vite, très vite, trop vite. Avec cette tempête de l’an 2000 nous n’assistions qu’au début d’une ère faite d’eau et de feu. La nature révoltée nous attendait au coin du bois. Nous redoutons aujourd’hui ses étés caniculaires et cette nouvelle saison pluvieuse qui englobe automne, hiver, printemps.
Nous étions curieux et pressés de connaitre ce qui se trouvait derrière la grande porte du nouveau millénaire. Les rêves que nous en avions fait portaient plus sur l’extravagance des créations plutôt que sur une nature qui allait impliquer un changement de paradigme sociétal. On avait plutôt parié sur le ludique. On a eu bien plus. Des nouveautés ont été mises à notre disposition mais là aussi nous n’imaginions pas les proportions qu’elles allaient prendre. Par ses réseaux sociaux, une élite aujourd’hui nous égare dans des mondes virtuels où chacun à l’illusion d’être un personnage central alors que nous n’avons même plus notre personnalité. En ne contrôlant rien, nous avons joué à l’apprenti sorcier. La matière grise a accouché d’une informatique qui nous dépasse comme cette intelligence artificielle qui est en train de nous bouffer et faire de nous des zombis. La culture des populations est déjà si pauvre qu’on se demande si nous n’en sommes déjà pas. L’autre jour, à la TV une espèce de pseudo-économiste nous faisait le panégyrique de l’IA dans laquelle il n’y voyait que des vertus. « Elle va nous soulager des tâches pénibles » disait-il. Ben voyons ducon, tu ne vois pas qu’elle est en train de te bouffer ton boulot.
Personnellement j’attends qu’un type qui invente un système pouvant me faire revenir dans mes années de jeunesse et là juré, je ne serai plus impatient d’atteindre l’an 2000.
DS
