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Bientôt du foie gras sans gavage.

L’oie sauvage réalise naturellement des réserves de gras avant la migration. Les chercheurs ont réussi à reproduire ce phénomène en donnant des biberons de ferments intestinaux aux oisons.
L’oie sauvage réalise naturellement des réserves de gras avant la migration. Les chercheurs ont réussi à reproduire ce phénomène en donnant des biberons de ferments intestinaux aux oisons.
AFP/ MYCHELE DANIAU

Peut-on faire du foie gras en évitant que les oies souffrent ? Oui, selon des chercheurs français.

Produire du foie naturellement gras, en reproduisant la nature et en respectant le bien-être animal : c’est le projet sur lequel travaillent depuis plusieurs années des scientifiques toulousains qui ont mis au point une technique pour produire du foie gras chez les oies, sans gavage. La société Aviwell, qui porte ce projet, va lancer une campagne début décembre de financement participatif sur la plate-forme Wiseed, afin de continuer son développement. Son objectif est la commercialisation de ce nouveau produit dès l’an prochain.

Surtout destiné au luxe et à l’étranger

A l’origine de cette découverte, Rémy Burcelin, chercheur à l’Institut des maladies cardiovasculaires de l’Inserm/ université Paul-Sabatier de Toulouse. Il y a une dizaine d’années, ce spécialiste de la flore intestinale de l’homme a découvert qu’elle pouvait augmenter le stockage des lipides dans le foie et donc le rendre plus gras. Habitant au pays du foie gras, le scientifique s’est alors intéressé à ce même mécanisme chez l’oie sauvage qui réalise naturellement des réserves de gras avant la migration. Avec le pharmacologue Gérard Campistron, et la vétérinaire Geneviève Bénard, spécialiste du foie gras à l’école nationale vétérinaire de Toulouse, ils ont créé en 2014 la ferme expérimentale et le centre de recherches à Pailhès (Ariège), baptisé Aviwell. « Après avoir identifié un groupe de bactéries chez des oies ayant un foie naturellement gras, nous avons élaboré un cocktail de ces ferments intestinaux pour les donner sous forme de biberon à des oisons tout juste nés. Au bout de vingt semaines, plus de 30 % de ces oies avaient un foie gras d’environ 350 g, soit celui d’une oie sauvage avant sa migration. C’est moins qu’un foie issu du gavage qui fait plutôt 800 g, mais notre procédé consiste à refaire ce que fait la nature, sans stress pour l’animal » précise-t-il.

L’objectif d’Aviwell est d’élever l’an prochain un millier d’oies pour produire quelques centaines de kilos de foie gras, puis 5 000 à 10 000 oies en 2019 pour atteindre 1,5 tonne de foie naturellement gras, au goût exceptionnel. Ce produit ne devrait pas être disponible dans les rayons d’un supermarché puisque son prix atteindrait les 800 euros le kg, contre 140 euros pour un foie gras classique. « Nous créons un nouveau produit, que nous destinons au luxe, pour les restaurateurs haut de gamme, souligne Rémy Burcelin, qui a déjà des contacts avec le chef aveyronnais Sébastien Bras. Il y a également des débouchés sur le marché étranger, dont des pays où le foie gras est interdit à l’importation. Nous ne voulons pas nous opposer à la filière classique mais être un acteur complémentaire. »

Julie Rimbert

Le mot : gavage

Le gavage n’est autre qu’une technique d’engraissement intensif des oies et des canards, en vue de la production de foie gras. Les palmipèdes sont ainsi forcés à avaler (on introduit un tuyau par le bec de l’animal) de grandes quantités d’aliments, du maïs souvent, pendant une durée qui s’échelonne entre quatorze et vingt et un jours. Le foie, qui pèse environ 80 g, s’engraisse alors pour atteindre un poids de 600 g à 1 kg. L’introduction du tuyau crée un agrandissement de l’œsophage qui peut s’accompagner de blessures graves et parfois mortelles. L’action d’associations contre cette pratique et le fait que le Conseil de l’Europe l’interdise dans des régions qui n’étaient pas déjà productrices ont entraîné des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou le Danemark à la prohiber.

 

 

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