Edito

Cette peur qui nous habite nourrit les médias.

La première intelligence commune aux êtres vivants est celle de la fuite qu’engendre la peur. C’est ce qu’exige la perpétuation des espèces. La peur nous habite tous d’où la grégarité dans un premier temps puis l’organisation en société pour l’homme devenu intelligent. Une fois organisé l’homme n’a pas pour autant perdu ces gènes qu’on peut appeler protecteurs. En fait nous sommes conditionnés pour avoir peur. Ainsi nous détectons plus facilement des visages exprimant la colère que d’autres souriants et parmi les dessins que l’on peut nous montrer pêle-mêle, nous avons plus d’aptitudes à discerner les serpents ou les araignées. Nous possédons le réflexe de mise en garde contre un danger potentiel. Dans notre évolution, la sélection naturelle a favorisé les individus les plus sensibles que les autres aux alarmes qu’elles soient fondées ou non. En d’autres termes, nous sommes les descendants des plus grands trouillards parce que quoi qu’on dise, la peur nous fait écarter beaucoup de dangers. De cet état de fait, nous sommes en perpétuelle quête de prévention du danger d’où à force, ces principes de précaution qui n’en finissent pas de nous pourrir la vie.

Les chaînes d’info en continu ont bien compris le mécanisme et surfent ainsi sur nos peurs. Nous tenir en haleine n’est pas un exploit dans la mesure où la peur d’une façon générale suscite la curiosité. Apprendre les mauvaises nouvelles est plus attractif qu’apprendre les bonnes. L’information qui prétend nous alerter d’un danger nous attire irrésistiblement. C’est pourquoi les produits de la peur partent avec un avantage concurrentiel, qu’il soit objectivement fondé ou non. L’espace public se trouve aujourd’hui envahi d’alertes de toutes sortes, sanitaires, météorologiques, etc. Internet et ses réseaux sociaux qui se sont immiscés dans presque toutes les familles sont tout aussi attractifs que les chaînes d’info dans le jeu de la peur. La différence avec la télévision, c’est qu’ils la suscitent avec la publication de ‘’fake news ‘’. Trop souvent la peur s’installe et laisse malgré des démentis, un fond durable de malaise. Toutes les peurs qui nous assaillent ne nous rendent pas plus aptes à réagir quand les dangers sont réels et à l’évidence elles sont plus aisées à produire et rapides que les arguments qui permettent de revenir à la réalité. Il ne faut pas s’étonner si pour conséquence un certain populisme s’installe laissant penser qu’il sera la seule solution à tous les maux de la terre. Les craintes sont si vives aujourd’hui que certaines tranches de la société, afin de solutionner les problèmes qui paraissent insurmontables (immigration clandestine, etc.), arrivent à souhaiter une dictature temporaire.

La peur s’est emparée d’une partie de notre disponibilité mentale. Elle nous capte et plonge notre réflexion dans des données partielles et trompeuses qui font de nous des angoissés permanents n’apercevant à l’horizon que la crainte du pire avenir. Nous sommes toujours équipés du même matériel génétique qu’au temps des cueilleurs, chasseurs. Le paradoxe est qu’aujourd’hui, nous aimons les peurs et les recherchons sans cesse, ce qui explique notre appétence pour la conflictualité. Les clashs qui se produisent la plupart du temps dans les émissions diffusées en directes sur les télévisions en sont la preuve. La présence de contenus négatifs ou menaçants assure aux chaînes de télévision un avantage concurrentiel.

On peut ainsi affirmer que tous les médias ont encore un bel avenir dans la captation de notre attention parce que nous ne sommes pas prêts de vouloir voir tarir les sources de nos angoisses.

DS

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