Edito

Les prières

Noël, Ascension, Pentecôte, Ramadan, Tou Bichvat et encore bien d’autres noms, les calendriers sont ponctués de fêtes religieuses, mais celles-ci nous invitent-t-elles pour autant à la prière ? Faut-il être croyant pour prier ? Les prières sont-elles exclusivement une affaire de religiosité ?

  • Un soir dans sa chambre les larmes le prirent, il se jeta désespérément devant son lit, il pria. Qui priait-il ? qui pouvait-il prier ? il ne croyait pas en Dieu, il croyait qu’il n’y avait point de Dieu, mais il fallait prier, il fallait se prier, il n’y a que les médiocres qui ne prient jamais. Ils ne savent pas la nécessité où sont les âmes fortes de faire retraite dans leur sanctuaire. Au sortir des humiliations de la journée Christophe sentit dans le silence bourdonnant de son cœur, la présence de son Etre éternel.
  • ‘’Jean-Christophe’’, Romain Rolland

La prière consiste à tourner son esprit vers un Dieu.

Serait-elle donc réservée aux croyants ? Ou en existe-t-il une version non religieuse ? sans doute, en tous cas le besoin de prier existe même chez les non croyants. Lorsqu’on est bouleversé, par l’inquiétude ou la gratitude, lorsqu’on est confronté à l’indicible, à chaque fois que nous nous trouvons face à des phénomènes qui nous dépassent, nous essayons de partager leur mystère par la prière qu’elle soit adressée à un Dieu que nous connaissons ou à un autre plus incertain que nous espérons ou encore à des équivalents laïques comme la destiné, la providence, les principes qui régissent l’univers. Quel lien la prière a-t-elle avec la vie intérieure ? A première vue elle est tournée non pas vers l’intérieur mais le supérieur, pourtant toutes les traditions religieuses rappellent que Dieu réside à l’intérieur même de l’être humain. Dans la prière il y a un double mouvement, celui de la prise de conscience de la réflexion, de l’attention, puis celui de l’abandon, du lâcher prise. La prière même laïque est acte de foi, une confiance sans certitude, nous offrons nos craintes nos espoirs sans avoir la preuve que nous sommes entendus et encore moins qu’une réponse viendra. On peut dire que cela est à la fois enfantin et magnifique d’où la subtile observation de Claude Nougaro dans sa chanson « plume d’ange » « la foi est plus belle que Dieu ». Personne n’a de leçons à donner sur l’art de bien prier, il existe autant de façons que d’êtres qui prient et cependant beaucoup reconnaissent que prier dans un endroit calme, isolé, agenouillé ou assis renforce l’espoir d’avoir mieux été entendu. On s’accorde aussi sur le fait qu’on ne peut pas prier avec l’esprit dispersé d’où l’importance de poser son attention en se focalisant sur son souffle ou sur la répétition d’un mot ou d’une phrase brève. Les orientaux parlent alors de mantra, les chrétiens de prière monologique du grec ‘’monos logos’’ (une seule parole) et c’est sans doute pour cela que Simone Veil écrit ‘’l’attention absolument pure est prière’’.

Pour ne pas être que rituel que l’on accomplirait l’esprit absent, la prière suppose d’avoir établi un lien sincère et attentif à soi-même d’où son importance pour la vie intérieure des humains depuis toujours car les moments de prière sont des espaces où l’on est à l’écoute de sa vie intérieure mais sous une lumière particulière, celle de Dieu ou des grandes forces qui régissent le monde. Ce sont des introspections ouvertes vers le ciel et donc baigné par les sentiments d’humilité et d’appartenance comme de gratitude. Nous sommes dépositaires de qualités qui nous dépassent et que nous n’avons ni demandé, ni mérité, comme la vie, la conscience, l’intelligence. Comment ne pas être bouleversé par cela et comment ne pas avoir envie de prier pour remercier même si on ne sait pas très bien à qui adresser ces remerciements, on peut tout de même les exprimer intérieurement, maintenant par exemple.

DS

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