Edito

Un p’tit coup d’pinard ?

Vivre entouré des médias qui à longueur de journée nous prennent pour des débiles mentaux est un vrai supplice. Combien de fois entendons-nous par jour cet ordre de consommer avec modération les vins et spiritueux, de consommer cinq fruits et légumes quotidiennement ou encore de faire du sport pour éliminer les cochonneries qu’ils nous proposent ? Pour la pub, il n’y a aucune modération et pourtant dieu sait combien elle est néfaste !
Pourtant l’ivresse, celle qu’on appelle légère est une bienfaitrice de notre cerveau.
– « Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait pas le vin mais l’ivresse. Comprends-moi : des ivrognes vous ne connaissez que les malades, ceux qui vomissent ; il y a aussi les princes incognito qu’on devine sans parvenir à les identifier. Pour eux, la boisson introduit une dimension supplémentaire dans l’existence une sorte d’embellie qui n’est sans doute qu’une illusion mais une illusion dirigée… Voilà ce que je pourrais regretter. »
– Antoine Blondin, ‘’un singe en hiver’’.
L’ivresse désigne l’ensemble des perturbations engendrées dans notre corps et notre esprit par l’alcool ou d’autres substances. Ces perturbations sont agréables pour la personne ivre, détente corporelle, soulagement des inquiétudes mais elles s’accompagnent de disfonctionnement, le corps est plus maladroit et plus lent, le cerveau moins performant. Quand l’ivresse va trop loin jusqu’au moment où notre comportement n’est plus rationnel, (alcool triste ou gai) il est déjà trop tard pour l’introspection et la réflexion et ce n’est plaisant ni pour soi ni pour l’entourage. Mais il peut être intéressant d’en rester au tout premier stade, de s’en tenir au début des effets de l’alcool. Sauf exceptions, nous aimons consommer de l’alcool mais la plupart d’entre-nous aiment le faire en pleine conscience et avec le cerveau aux aguets. Nous aimons en faire un moment d’exception où notre réflexion se trouve chimiquement modifiée et par là, nous offre une vision bien souvent apaisée des choses. Si on veut que cette légère ivresse nous soit bénéfique, il est nécessaire de réunir des conditions spécifiques, comme boire au calme sans excitations extérieures, sans rien faire d’autres et sans besoins psychologiques parce que si on boit parce qu’on est inquiet ou abattu, si on prend de l’alcool comme un remède à nos maux, on se trouvera alors en grand danger. Il s’agit donc de boire en liberté, en curiosité et en pleine conscience, lentement en réalisant les modifications progressives induites sur notre cerveau par l’alcool. Lors de ces tous premiers stades, notre vision du monde change, on éprouve des sentiments d’apaisement, de légère euphorie, de recul, de relativisation de nos soucis, de réceptivité, d’amitié avec le monde et de fraternité. Il est intéressant de tirer des leçons de cette observation de notre cerveau et de nous poser la question de savoir si nous ne serions pas capables de vivre cela sans avoir recours à de l’alcool ou à d’autres substances chimiques c’est-à-dire avoir recours à des ivresses existentielles comme celles qui animent les poètes comme Maupassant, qui s’enivrait d’un coucher de soleil, d’un ciel chargé d’étoiles, de la vie, du monde, de partir à pieds quand le soleil se lève, de marcher dans la rosée du matin. Quelle ivresse !
Une ivresse sans alcool est tout à fait possible et cela a été l’objet de nombreuses études qui ont montré que lorsqu’on croit boire de l’alcool tous les signes agréables de l’ivresse commencent à se manifester, mais sans les effets indésirables. Cette ivresse est le marqueur d’une ouverture émerveillée au monde comme le souligne Gide. ‘’Je compris vite que l’ivresse sans vin n’est autre que l’état lyrique’’.
Je ne sais pas s’il y a une morale à cet écrit, mais ce dont je suis certain, c’est que boire un petit coup est vraiment très agréable. Santé !
DS

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