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Edito

Ecrire, c’est apprendre à mieux se connaître.

« Curieuse activité solitaire que celle d’écrire. Vous passez par des moments de découragement quand vous rédigez les premières pages d’un roman. Vous avez, chaque jour, l’impression de faire fausse route. Et alors, la tentation est grande de revenir en arrière et de vous engager dans un autre chemin. Il ne faut pas succomber à cette tentation mais suivre la même route.  »
Patrick Modiano ; Discours de réception du prix Nobel (7 décembre 2014)
L’écriture est un système de représentation de la parole et de la pensée par des signes destinés à traverser le temps. Elle est un moyen de transmettre des informations à autrui mais elle est aussi une voix muette pour traduire ses propres ressentis, ses états d’âme. C’est ce second type d’écriture qui est intéressant dans cette époque étrange que nous vivons. L’écriture de soi. Elle permet de clarifier ce qui est flou et confus en nous. De mettre à distance ce qui est douloureux. Elle nous aide aussi à avoir une pensée claire quand nous sommes perdus dans nos ruminations, ces pensées stériles qui tournent en rond et que nous avons évoqués il n’y a pas si longtemps. L’écriture est un acte comme la marche et ce sont nos actes plus que nos réflexions qui nous arrachent aux errances de notre vie intérieure. L’écriture est supérieure à l’introspection quand il s’agit d’explorer ce qui est en nous. Elle est un révélateur redoutable du flou et de l’embrouillé. Une idée que l’on croyait claire peut s’avérer imprécise quand on la couche sur le papier. Elle nous mène à l’humilité ; ce qu’on pensait une réflexion puissante s’avère souvent une fois écrite, banale. Mettre en mots nos expériences douloureuses aide à leur cicatrisation et améliore notre santé. On pourrait expliquer cela par la remise en ordre de tous les éléments d’une expérience douloureuse dispersés dans notre mémoire. Ce qui était confus en pensée devient alors récit cohérent et structuré. Dans l’écriture de soi, on n’aspire à rien d’autre que mettre en place les évènements vécus un peu comme il nous vient l’envie de procéder au nettoyage de printemps de la maison. On fait cela naturellement sans ambition, sans penser à une récompense littéraire ou encore aux félicitations de notre entourage. On accepte la simplicité, la banalité. Pour autant il n’est pas idiot d’écouter les conseils des écrivains. En effet l’écriture n’obéit pas aux mêmes lois que la pensée. En les prenant en considération, ils font éviter l’erreur décrite par Gide dans son journal, « J’attends trop souvent que la phrase est achevée de se former en moi pour l’écrire » car l’écriture a son rythme propre et il se peut qu’en écrivant des idées viennent qui n’étaient pas apparues à la simple réflexion. Accordons aussi une grande place à nos ressentis comme le suggère Marcel Proust dans ‘’le temps retrouvé’’. L’impression est pour l’écrivain ce qu’est l’expérimentation pour le savant, avec cette différence que chez le savant, le travail précède l’intelligence alors que chez l’écrivain elle vient après. Il faut écrire à son rythme mais ce qui est primordial est d’avoir laisser incuber une foule d’idées venues des différentes émotions de notre vie, en promenade, au travail, au lit etc. Donc il faut avoir été agité par la vie contrairement à celle d’Henri-Frédéric Amiel qui fut fade et vide comme il l’écrit dans ses cahiers ; « J’ai observé ma vie au lieu de la vivre ».

DS

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