Edito

Le temps passe, on ne veut plus voir les problèmes

Ils ont fui l’Afghanistan avec femmes et enfants ou encore Idlib en Syrie parce qu’ils sont là-bas en permanence menacés de mort. Alors après de gros sacrifices financiers, ils se retrouvent pour une partie d’entre eux, dans le camp de Moria sur l’île grecque de Lesbos. (Arte reportage ;  https://www.arte.tv/fr/videos/095311-000-A/plongee-dans-l-enfer-de-moria/ )

Un camp composé de tentes sommaires en plastique fait pour accueillir 7000 personnes. Le problème c’est qu’ils sont aujourd’hui plus de 20 000. Ces exilés attendent depuis des mois voire des années que l’Europe examine au moins leur cas pour éventuellement leur proposer une vie décente. Désespoir, saleté, pauvreté, trahison se dégagent du reportage Arte. La seule chose qu’on voit s’épanouir en ce lieu, c’est l’indignité.

Alors des réflexions nous viennent.

L’ile de Lesbos est-elle trop éloignée pour que l’Europe n’y voit pas la détresse ou alors n’y a-t-il plus que 26 membres dans l’UE, la Grèce en étant évincée ? Toujours est-il qu’elle est laissée parfaitement seule donc condamnée à accepter l’occupation de son territoire par des exilés et partager avec eux pauvreté, colères et amertume. Certes la Grèce n’est pas le seul pays à souffrir de cette situation elle a seulement la malchance comme les autres de se trouver en bordure de la Méditerranée. L’habitude des catastrophes humanitaire crée un espace entre victimes et observateurs qui efface progressivement émotion et empathie. Ainsi les insomnies de l’Europe si elle en a, ne sont certainement pas dus au spectacle de la misère à quelques encablures de leur capitale. Et puis il est aussi facile de marteler que ces problèmes n’incombent pas forcément à la seule Europe, ne sont-ils pas aussi un problème mondial que l’ONU pourrait prendre à son compte ?

Pour un minimum de réaction, il faut les menaces d’un Erdogan qu’on calme à grands coups de milliards afin qu’il rende ses frontières plus hermétiques aux migrants. On se rend compte aujourd’hui que la plupart des frontières des pays du Maghreb ont été dessinées par l’Europe à main levée sur des cartes et que le mince trait de crayon n’a tenu compte ni des ethnies, ni des traditions.

Lesbos, et le camp de Moria, ne se contentent pas d’être le bout du monde ; on peut aussi reprendre la formule de Michel Foucault qui décrivait les anormaux parqués au Moyen-Âge à la porte des villes : « Son exclusion doit l’enclore ; s’il ne peut et ne doit avoir d’autre prison que le seuil lui-même, on le retient sur le lieu du passage. Il est mis à l’intérieur de l’extérieur, et inversement. »

Les aménagements du camp de Lesbos laissent entrevoir aux autochtones la durabilité de la situation ce qui suscite des affrontements avec exilés et forces anti-émeutes.

Le COVID-19 dans un deuxième temps est venu renforcer l’idée d’isolement des populations et est devenu le prétexte pour ne plus rougir de cette situation inhumaine et scandaleuse. Mieux encore, les brèches par lesquelles quelques récalcitrants au camp d’internement auraient pu s’échapper, ont été colmatées avec raffinement.

Question ; en changeant la destination du coût des travaux de renforcements du camp, et attribué aux exilés, combien d’entre-deux auraient pu être sauvés de la misère ?

De plus en plus, je vois l’Europe comme un vieux rafiot dérivant sur les mers et manquant de chavirer chaque fois que quelques naufragés viennent s’accrocher à son bastingage.

DS

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