L’automne est là, il n’a jamais fait aussi doux, les records de température sont battus. Alors on en parle.
En communauté, quand on ne sait plus quoi dire, on se replie le plus souvent sur un grand classique, la pluie et le beau temps. On entre alors dans la marge de la conversation. Evoquer la météo passée ou à venir c’est ne pas vouloir laisser ‘’un ange passer’’, instant qui révèle sa timidité et montre son impuissance à se singulariser par la parole. Alors dire que le temps est exécrable est une prise de contact avec la personne à qui on adresse le message. A partir de ce moment on existe. Mais c’est aussi un risque, celui d’être accaparé par l’interlocuteur alors que la prise de contact n’était que courtoise. Il faut alors se défaire de l’importun. La performance est de savoir comment mettre fin à la conversation. Donc parler du ciel n’est pas toujours un refuge assuré pour communiquer sans rien dire.
Pour Rousseau l’évocation du temps qu’il fait est aussi un moyen d’exprimer sa sensibilité et donc de séduire. Dans son Essai sur l’origine des langues, Rousseau soutient que « d’abord on ne parla qu’en poésie ». Dans les langues du Sud, se plaindre de la chaleur est une invitation à se retrouver à l’ombre d’un point d’eau pour épancher son cœur : « du pur cristal des fontaines sortirent les premiers feux de l’amour ». Dans celles du Nord, la froideur du climat oblige à l’entraide et génère les fêtes hivernales. Parler des lendemains neigeux autour d’un feu de cheminée « permet aux regards de s’échanger ». La parole climatique rapproche les cœurs.
D’une façon générale parler du temps qu’il fait n’apprend rien à personne (c’est une évidence), mais c’est une façon de communiquer et de tisser les liens qui font notre société.
DS