Edito

Ce que révèlent souvent les vacances.

 

Les vacances ? Elles ne sont pas si innocentes. Pour beaucoup de vacanciers, il n’est pas question de les rater, de quoi auraient-ils l’air ?

Si les vacances pour certaines personnes sont simplement un temps de relaxation sans se préoccuper du reste, elles sont pour d’autres un théâtre où se joue des rôles qui permettent la séduction ou le passage éphémère d’une classe sociale à une autre supérieure. On veut laisser croire ce qu’on parait, mais pas forcément en mentant. Les lieux de villégiatures mettent en scène la comédie humaine.

Quand les photos montrent des corps alanguis sur une bouée, il ne s’agit pas tant de se reposer que de mettre en scène son repos, en mimant une décompression savamment étudiée. Sans cette mise en scène des vacances, ce serait comme si notre temps de loisir cessait d’exister. Pire, si ce loisir venait à échouer, ce serait la crédibilité, voire la capacité à être heureux qui se trouveraient remises en cause aux yeux des autres.

Les acteurs du moment oublient leur condition, se détachent de leur vrai quotidien par des largesses, des attitudes forcées, et tout un ensemble d’activités qui sont pour la plupart une démarche de sacrifices voire d’ascèse. Les vacances réussies impliquent le bonheur ou du moins ce qui parait l’être.

Il faut rentabiliser les vacances parce qu’on a été soi-même rentable dans le travail tout au long de l’année. On sera donc efficace dans nos vacances ou tout au moins dans leur récit. Pour cela des critères susceptibles de générer l’admiration devront être respectés.

Être le plus bronzé possible est gage d’un temps parfait, qu’on a su choisir et qui dénote d’une certaine compétence dans le choix de l’époque. Malgré toutes les nombreuses activités qui auront occupé notre temps, on reviendra de sa villégiature frais et dispo. On sera admiré parce qu’on aura couru frénétiquement d’un lieu à l’autre, pour cocher un maximum de lieux à visiter sur notre guide.

C’est également le regard de l’autre qui nous fait craindre d’échouer dans nos vacances. Les récits des vacances passées deviennent souvent des joutes comparatives des activités effectuées.

  • Moi j’ai fait ça et ça, dira l’un
  • Oui mais t’as pas vu ça, répondra l’autre.

La comparaison pourrait alors exacerber le sentiment de n’avoir pas été à la hauteur du temps de repos octroyé. Il faudra démontrer que ce qu’on a vécu nous distingue des autres.

Cependant les vacances peuvent avoir été un véritable fiasco et si l’on peine tant à reconnaître qu’elles ont été ratées, c’est en définitive parce qu’elles sont ressenties comme l’envers idyllique et apaisé de notre existence. Elles seraient perçues comme une sorte de réinitialisation du logiciel remettant les compteurs à zéro. Comme si, d’un coup, les problèmes allaient se résoudre tout seuls. Dans tous les cas, les vacances sont inégales dans les couples. Bien des femmes se plaignent de devoir prendre en charge l’intégralité de l’intendance des vacances familiales et de ne pas pouvoir se reposer.

Plutôt que de raconter des mensonges pour ne pas renoncer à l’image idyllique des vacances de rêve dans une société de consommation qui a fait des vacances le moment ultime du bonheur ostentatoire et obligatoire, pour peu qu’on soit bon conteur, on pourra se permettre de raconter tous les échecs qui, mis bout à bout deviendront une véritable aventure qui captivera de façon certaine tout un auditoire. Ce sont d’ailleurs ces histoires-là que les autres adorent écouter, parce qu’elles ont le mérite d’être originales, mais aussi, peut-être, parce qu’elles les rassurent sur leurs propres déconvenues de vacanciers.    DS

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